Le portail d’information commerciale et le guichet unique pour promouvoir l’intégration de la femme dans le commerce international à Madagascar
En 2016, le paysage de l’entrepreneuriat
et de l’industrie de Madagascar vu à travers le prisme du genre relate un grand
déséquilibre en défaveur de la femme. Seulement 14 femmes contre 139 hommes
dirigeaient des entreprises dans deux groupements majeurs du pays (SIM et GEM),
et 15 femmes contre 59 hommes se trouvaient à la tête de groupements
professionnels. La participation au commerce régional ou international
est d’autant moindre. Toujours en 2016, environ 10% des entreprises malgaches
qui exportaient vers les régions SADC, COMESA et COI étaient dirigées par des
femmes, aux alentours de 5% en termes d’importation en provenance des régions
SADC et COMESA, et 12.5% en provenance de la COI, selon une étude de la Banque africaine de développement.
Derrière ces chiffres se trouvent des
centaines de milliers de femmes et de filles malgaches qui peinent à se frayer
un chemin sur les bancs de l’école, sur le marché du travail, dans le secteur
formel, et dans le secteur du commerce, notamment international. Et cela à
cause de facteurs socio-culturels limitant les initiatives liées au genre.
Certes, la société malgache accorde une place sacrée à la femme, mais il s’agit
surtout d’un rôle de procréation, de gestion du foyer et d’assistance à
l’homme. Le concept de « women empowerment » (autonomisation
des femmes) reste encore timide. Il est encore ancré dans l’esprit du grand
nombre que la femme malgache n’est pas vouée à la production ni à la création
de richesses économiques.
2016 est également l’année où Madagascar
a ratifié l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges. Bien que l’Accord
n’ait pas été initialement conçu pour résoudre les problèmes liés au genre dans
les échanges commerciaux, les réformes basées sur les principes de
transparence, simplification, normalisation et d’harmonisation qu’il vise à
instaurer pourraient contribuer à favoriser la participation de la femme au
commerce international. On mettra en lumière deux mesures dont la mise en œuvre
présente des impacts multiples sur la facilitation de l’accès au commerce
international pour la femme à Madagascar.
Publication et disponibilité des renseignements : le portail d’information commercial
L’article premier de l’Accord de l’OMC a
pour principal fondement la transparence. Il impose de mettre à la disposition
d’un public large, et d’une manière non discriminatoire, tous les
renseignements relatifs aux opérations de commerce international : les
procédures et les réglementations en vigueur, les droits, taxes et redevances
applicables, les restrictions et prohibitions, les pénalités, les formalités à
remplir, les coordonnées des points d’information, etc. L’utilisation
d’internet en tant que moyen de publication est impérative pour certains
renseignements.
Pour concrétiser cela, le Comité National de la Facilitation des Échanges de Madagascar (CNFE) prévoit l’implémentation d’un portail d’information commerciale où tous les renseignements seront centralisés, donc directement et facilement accessibles à toutes et tous. Le portail d’information commerciale présente plusieurs avantages. D’abord, le gain de temps en réduisant, voire éliminant, les déplacements physiques aux bureaux administratifs, mais aussi en renforçant la transparence dans toutes les procédures. La femme commerçante, elle, évitera les confrontations directes dans les bureaux où elle est souvent sujette aux harcèlements verbaux, aux intimidations et aux tentations de corruption. De plus, elle pourra prendre connaissance des renseignements utiles pour opérer dans le commerce international, et les appliquer de manière adéquate.
Guichet unique : intégration de toutes les agences aux frontières
L’article 10.4 de l’AFE prévoit la mise en place d’un guichet unique qui permettrait aux opérateurs de soumettre à un point d’entrée unique tous les documents et renseignements requis dans le cadre de leurs opérations de commerce transfrontalier. Toutes les communications relatives à ces documents et renseignements se feront alors à travers ce guichet unique. En ce qui concerne le moyen utilisé pour la mise en place du guichet unique, l’Accord recommande, dans la mesure du possible, l’utilisation des technologies de l’information.
Madagascar ne disposant d’aucun guichet unique fonctionnel, a pour sa part notifié cette mesure en catégorie C, dont la mise en œuvre nécessite une période de transition jusqu’en 2023, à titre indicatif, et une assistance technique extérieure. Le pays dispose certes d’une plateforme appelée Tradenet qui permet l’interconnexion des intervenants dans le processus de dédouanement, mais jusqu’ici seulement une partie de ces intervenants sont reliés à Tradenet.
La forme actuelle de Tradenet est déjà bénéfique pour les femmes commerçantes, mais ces dernières ne pourront en tirer pleinement profit si certaines agences n’intègrent pas le guichet unique. En effet, ceci contraindrait encore les commerçantes à multiplier leurs déplacements et à se soumettre aux lourdes formalités dans les bureaux administratifs, notamment pour récupérer les diverses autorisations d’exportation ou d’importation.
Le défi qui se pose actuellement à Madagascar est alors d’intégrer progressivement au guichet unique les agences de contrôle intervenant dans le processus de dédouanement. Il est évident que ceci passe impérativement par la dotation de ces agences d’outils technologiques, tels des ordinateurs opérationnels et un réseau performant.
Ces deux mesures, prévues par l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges, ont comme point commun la promotion de la transparence et la simplification des procédures. Pour la femme opérant dans le commerce international, ces deux approches sont cruciales, parce qu’elles leur permettraient de gagner du temps précieux, et les exposeraient moins aux difficultés liées au genre, notamment les risques de harcèlements, d’intimidations, de corruption. Ceci nécessite d'une part une alphabétisation numérique plus poussée des femmes, à travers des formations qui leur seront spécifiquement dispensées, ou encore la mise en libre service de matériels informatiques dans les médiathèques des collectivités locales. D'autre part, les intervenants de la chaîne logistique internationale doivent prioriser l’intégration des technologies de l’information, en passant par la dotation de matériels performants et le passage progressif vers la digitalisation des procédures. Encore faut-il mentionner que l’effet attendu dépasse largement ces investissements, soit l’accroissement de la participation de la femme dans le secteur du commerce, qui auraient in fine un impact positif sur la présence de Madagascar sur le marché international.